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Identifiant d’objet numérique DOI : https://doi.org/10.1007/s00572-023-01114-8
Dans les années 1970, la mise en place d’un protocole de production de plants mycorhizés par Tuber melanosporum a permis de donner un nouveau souffle à la trufficulture, comme en atteste l’augmentation stable des ventes de plants mycorhizés depuis le début de leur production.
Toutefois, cette avancée technique majeure n’a à ce jour pas permis de retrouver les niveaux de production bien supérieurs observés au début du 20è siècle. La demande de truffes semble de fait bien supérieure à la capacité de production, et ce dans l’espace et dans le temps. En effet, les truffes européennes telles que Tuber melanosporum ou Tuber magnatum sont devenues de véritables totems de la gastronomie et sont de fait prisées bien au-delà de leur aire de répartition géographique initiale, l’Europe.
Par ailleurs, la période de récolte des truffes d’hiver telles que Tuber melanosporum étant relativement courte et la demande se tournant principalement vers des truffes fraîches, certains pays de l’hémisphère Sud y ont vu une opportunité pour le développement d’une culture de contre-saison à forte valeur ajoutée.
Entre opportunité économique et développement technique, tous les éléments étaient ainsi réunis pour que différents pays se lancent dans la production d’espèces de truffes européennes, en particulier Tuber melanosporum.
Or, si l’on trouve de manière endémique des espèces du genre Tuber (les truffes « vraies ») sur une grande partie du globe, les espèces les plus prisées pour la consommation telles que Tuber melanosporum sont endémiques d’Europe, et ont donc dû être introduites dans différents pays extra-européens désormais producteurs de truffes : l’Australie, le Canada, le Chili, la Chine, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis.
L’historique de ces introductions est malheureusement souvent mal connu et il est donc difficile d’estimer comment elles ont eu lieu. L’introduction de Tuber melanosporum hors de sa zone d’endémisme a pu se faire soit par l’importation de plants mycorhizés soit par l’importation de truffes qui ont servi d’inoculum pour la production de plants mycorhizés dans des pépinières locales.
Ces différentes voies d’importation ont pu donner lieu à des introductions involontaires d’autres espèces de truffes. Des introductions accidentelles sont d’autant plus probables dans le cas d’espèces de truffes ayant des morphologies très similaires comme Tuber melanosporum et Tuber brumale.
Ces deux espèces présentent en effet un péridium noir, une gléba noire avec des veinules blanches à maturité et des spores colorées ornementées de pics. Toutes deux sont également récoltées en hiver. Si certaines différences morphologiques fines peuvent permettre de les différencier telles que la taille des pics des spores ou la morphologie des ectomycorhizes, elles ne constituent pas des critères faciles à mettre en place sur le terrain.
Il est donc aisé de les confondre, même si les personnes aguerries pourront également observer qu’à maturité, les veinules de Tuber melanosporum sont plus fines que celles de Tuber brumale.
Une caractéristique clé diffère pourtant entre les deux espèces : leur odeur, plus musquée chez Tuber brumale, ce qui explique pourquoi cette espèce est vendue beaucoup moins chère sur les marchés. Au sein d’une même truffière, les deux espèces peuvent cohabiter, et la présence de Tuber brumale représente alors un manque à gagner pour les trufficulteurs et trufficultrices. Mais du fait de leurs morphologies proches, il est probable que Tuber brumale ait également été introduite en même temps que Tuber melanosporum dans certains pays.
La présence de cette dernière a par exemple été mentionnée à deux reprises aux Etats-Unis, dans des racines d’arbres en 2014 (en Colombie-Britanique) mais également sous forme de fructification dans une truffière à T. melanosporum en 2020 (Caroline du Nord).
Dans l’étude présentée ici, menée par Benjamin Lemmond aux Etats-Unis, les auteurs ont cherché à vérifier l’identité de truffes récoltées dans différentes truffières à Tuber melanosporum au Nord-Est des Etats-Unis.
Pour cela, les auteurs ont proposé à des trufficulteurs de leur envoyer des truffes qui leur paraissaient anormales afin de vérifier leur identité. Les auteurs ont ainsi analysé 36 truffes récoltées dans 10 truffières réparties dans le Nord-Est des Etats-Unis et récoltées entre décembre 2021 et décembre 2022. Toutes ont été récoltées dans des truffières à T. melanosporum, âgées de 7 à 14 ans, plantées avec des plants de noisetiers ou un mélange noisetier/chêne.
Les plants mycorhizés provenaient de pépinières commerciales étatsuniennes. Les truffes ont été séchées à l’air libre par les trufficulteurs avant d’être envoyées aux laboratoires pour analyse. L’observation morphologique des échantillons n’a pas donné beaucoup d’indices sur l’identité des truffes car celles-ci étaient pour la plupart immatures, ne permettant pas de comparer la morphologie de la gléba ni des spores, absentes dans certains cas du fait de leur faible maturité.
Les auteurs ont de fait eu recours à des méthodes moléculaires leur permettant de comparer la séquence génétique de deux gènes couramment utilisés dans la communauté scientifique. Cette analyse leur a permis tout d’abord d’identifier l’espèce des échantillons analysés, puis de reconstruire les liens de parentés (relations phylogénétiques) entre ces échantillons et d’autres échantillons du genre Tuber récoltés en Europe et dans le reste du monde.
Cette analyse moléculaire montre que sur les 36 truffes envoyées par les trufficulteurs, la quasi-totalité (35/36) appartiennent en effet à l’espèce Tuber brumale. La seule truffe n’appartenant pas à T. brumale s’est avérée être une truffe de l’espèce Tuber melanosporum.
Des fructifications de Tuber brumale ont ainsi été détectées sur chacune des 10 truffières réparties dans six États du Nord-Est étatsunien. Les fructifications de Tuber brumale récoltées dans ces truffières ont un fort lien génétique avec un sous-groupe de Tuber brumale retrouvé principalement dans l’Ouest du continent européen, nommé dans la littérature scientifique groupe « A » par opposition au groupe « B » comprenant des truffes de Tuber brumale retrouvées plutôt dans les Balkans et l’Est du continent.
Ces résultats viennent confirmer les premières observations de la présence de T. brumale aux Etats-Unis, espèce qui, comme T. melanosporum, a bien été introduite aux Etats-Unis. Tuber brumale a été détectée dans un nombre restreint de truffières, mais qui couvrent une large zone géographique. Les auteurs font donc l’hypothèse qu’un échantillonnage de plus grande envergure mettrait en évidence une plus large répartition de cette espèce dans les truffières américaines. L’origine de cette introduction n’est cependant pas connue.
Les pépinières d’Amérique du Nord ne commercialisent pas de plants mycorhizés de T. brumale, ce qui laisse à penser que son introduction a été accidentelle. Cette introduction accidentelle aurait pu avoir lieu lors de la production des plants mycorhizés avec l’ajout non-intentionnel de fructifications de T. brumale aux inoculums.
D’autres introductions accidentelles ont déjà été observées aux Etats-Unis : Tuber indicum a par exemple été introduit et s’est très bien adapté à ses nouvelles conditions puisqu’on en retrouve à présent dans les milieux naturels. Les auteurs de l’étude rappellent également que l’introduction accidentelle de T. brumale hors d’Europe n’est pas limitée aux Etats-Unis puisque l’espèce a été détectée au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Le point commun entre tous ces pays ?
L’introduction d’espèces de truffe n’a pas été accompagnée de contrôles génétiques systématiques des inoculums en pépinière (au moins au début de la production de plants mycorhizés), ce qui a pu favoriser l’apport accidentel d’autres espèces de truffes.
Cette petite étude confirme donc que Tuber brumale a été introduite de manière accidentelle aux Etats-Unis, certainement par des ajouts accidentels de fructifications de Tuber brumale dans les inoculums utilisés en pépinière.
La détermination de certaines espèces de truffes sur la base de critères morphologiques uniquement peut être délicate tant certaines espèces se ressemblent visuellement (comme T. melanosporum et T. brumale ou T. indicum par exemple). Les outils moléculaires sont donc indispensables pour s’assurer de l’identité des espèces de truffes et donc de la qualité des plants mycorhizés. Des normes de contrôle qualité se développent d’ailleurs en ce sens dans les pays où les truffes ont été importées pour les cultiver.
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