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On estime d’après les statistiques du ministère de l’agriculture française mais aussi d’après des recherches d’archives que la production de truffes en France au début du 20è siècle se situait quelque part entre 500 et 1000 tonnes par an, soit environ dix fois plus que la production actuelle estimée entre 30 et 50 tonnes par an.
Comme l’écrivent certains auteurs de l’époque ce niveau de production n’a pu être obtenu qu’avec un effort de plantation de truffières « rationnelles », comme on les appelait à l’époque, important.
Ce déclin pourrait s’expliquer par un ensemble de facteurs variés. Des facteurs socioculturels d’une part, tels que l’exode rural, la fermeture des couverts forestiers ou encore des évènements particuliers comme les deux Guerres Mondiales qui ont frappé le territoire français au cours de ce siècle pourraient être impliqués. D’autre part, les facteurs climatiques, tels que l’augmentation des températures moyennes pourraient jouer un rôle dans ce déclin.
Comprendre l’influence de ces paramètres sur la production de truffes est fondamental pour expliquer le déclin observé au cours du 20è siècle mais également pour développer des méthodes de culture qui pourraient permettre de contrecarrer les causes de ce déclin.
Retracer l’histoire de la trufficulture et de sa production sur tout un siècle n’est malheureusement pas une tâche aisée car les archives sont discontinues dans le temps et quelques fois difficile d’accès.
François Le Tacon et ses collaborateurs ont par exemples pu retracer l’historique des ventes de Tuber melanosporum des marchés de Richerenches et Carpentras de 1988–1989 à 2012–2013 et les mettre en regard des conditions climatiques, démontrant le rôle important que jouent l’équilibre hydrique estival et le nombre de jour de gels à moins de -5°C sur la production de truffes.
L’initiation de la reproduction chez T. melanosporum a en effet lieu entre mai et juin, et le temps de croissance des truffettes est long avant d’atteindre leur maturité au cours de l’hiver. Elles doivent notamment passer l’été, saison qui s’avère de plus en plus chaude et sèche dans certaine région. Ces données couvrent cependant une faible partie du 20è siècle et ne prennent pas en compte les évolutions socioéconomiques françaises.
Pour comprendre plus en détail le déclin de la production de Tuber melanosporum au 20ème siècle, Meilie Baragatti et ses collaborateurs ont réussi à accéder à deux jeux de données plus anciens.
D’une part, les auteurs de cette étude ont analysé les données de production d’une truffière située à Pernes-les-Fontaines dans le Vaucluse sur la période 1925-1926 à 1948-1949. Cette truffière de deux hectares a été plantée en 1913 et comprenait des chênes verts. Les premières truffes ont été récoltées en 1923.
D’autre part, les auteurs ont réussi à avoir accès aux données (manuscrites !) du ministère de l’agriculture française, qui a consigné la production de truffes de chaque département de la saison 1903-1904 à la saison 1988-1989.
Dans cette étude, les auteurs se sont concentrés sur la production du Vaucluse, département qui représentait 25% de la production française sur cette période. Ils ont également eu accès aux données météorologiques de la station d’Orange via Météo-France, et plus précisément aux précipitations mensuelles et aux températures maximales et minimales mensuelles.
La température moyenne a été calculée comme la moyenne de ces deux extrêmes. Ces mesures ont permis aux auteurs de calculer le potentiel d’évapotranspiration mensuel, et donc le l’équilibre hydrique, qui correspond à la différence entre les précipitations et l’évapotranspiration potentielle. L’équilibre hydrique mensuel est de fait négatif si l’évapotranspiration est plus importante que les précipitations. Ces données ont finalement permis de mesurer un indice de déficit hydrique correspondant au cumul des équilibres hydriques négatifs sur une période donnée.
Finalement, les auteurs ont récupéré auprès de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) l’évolution du nombre d’habitants ruraux et l’évolution des surfaces agricoles dans le Vaucluse entre 1808 et 2013 ainsi que la production de bois par hectare de 1976 à 2013 pour le chêne pubescent et le chêne vert.
Les auteurs ont ensuite développé des modèles statistiques sophistiqués pour essayer de trouver des liens entre toutes ces données. Ils ont tout d’abord cherché à mettre en évidence des liens de corrélations entre les conditions climatiques et la production. Mais comme nous l’avons mentionné plus tôt, les conditions météorologiques de certains mois de l’année peuvent avoir des incidences plus ou moins importantes sur la production de truffes en hiver. Les auteurs ont de fait utilisé une méthode d’analyse permettant de déterminer l’influence de l’ensemble des paramètres climatiques mentionnés plus haut mois par mois sur la production de la saison étudiée.
Cette analyse permet par exemple de définir, pour la production de la saison 1924-1925, quelle a été l’influence du climat des mois de janvier 1924 à mars 1925 mois par mois. Toutefois, sur une longue période de temps comme celle que couvrent les données de production du Vaucluse, différents évènements indépendants des conditions climatiques ont pu impacter la production de truffes telles que les deux Guerres Mondiales. Pour éviter ces potentiels biais d’analyse, les auteurs ont eu recours à une méthode leur permettant de détecter les changements brutaux de production dans le temps et d’identifier ces potentiels évènements, afin de corriger les données en conséquence.
Les données de production de la truffière de Pernes-les-Fontaines ont permis de mettre en évidence un lien important entre conditions climatiques et production de truffes. En particulier, le déficit hydrique estival cumulé sur la période juin-août est la variable la plus (négativement) corrélée à la production.
Les auteurs ont également identifié une corrélation négative entre la production de truffe et les températures maximales de la période estivale. En prenant en compte les données de production sur l’ensemble du Vaucluse, les auteurs ont mis en évidence l’effet important des deux Guerres Mondiales sur la production de truffes, avec deux chutes de production importantes et brutales en 1916-1917 et en 1937-1938. Les données ont ainsi pu être corrigées à l’aide de différents modèles pour ne tenir compte que de l’influence des données climatiques sur l’ensemble de la période.
De manière similaire à ce que les auteurs ont observé dans la truffière de Pernes-les-Fontaines, la corrélation la plus forte identifiée était la corrélation négative entre production de truffes et déficit hydrique estival (période mai- août cette fois-ci). Sur la même période, les précipitations étaient fortement positivement corrélées à la production. Ces observations étaient similaires pour tous les modèles de correction utilisés dans l’étude.
Le climat, et en particulier au cours de l’été, semble donc jouer un rôle important dans la production de Tuber T. melanosporum.
Mais au cours du 20è siècle, divers bouleversements socio-économiques ont également traversé le pays. Comme le démontre les données, les deux Guerres Mondiales ont fortement fait chuter la production de truffe de manière durable, avec une division par presque deux de la production à chaque guerre.
Par ailleurs, la population rurale du département a fortement diminué au cours du siècle tandis que la taille des exploitations agricole a constamment augmenté. On peut donc imaginer que le nombre de personnes entretenant les truffières spontanées et plantées a diminué en conséquence. Du fait du fort déclin de la population rurale et de l’importance du déficit hydrique cumulé durant la période estivale (mai-août), les auteurs ont développé un modèle permettant de modéliser la production de truffes en fonction de la population rurale et du déficit hydrique pour estimer plus finement leur contribution à la production. En utilisant uniquement ces deux variables, les hauteurs ont pu simuler de manière assez réaliste la production de truffes sur la période, démontrant leur forte influence.
Ce modèle prédit que pour chaque augmentation de 10 mm d’eau du déficit hydrique estival cumulé sur la période estivale, la production de truffe est divisée par 1,02, tandis que pour la perte de 1000 habitants, la production est divisée par 1,1. Pour finir, l’étude des données climatiques sur cette longue période a permis de mettre en évidence une augmentation de la température moyenne de 1,4°C. Cette augmentation est principalement liée à une augmentation des températures estivales, plus importante que celle des températures hivernales.
Pour autant, le déficit hydrique cumulé est resté stable au cours de la période. Les conséquences du réchauffement climatique sur la période 1903-1989 sur la production de truffes semblent donc limitées. Toutefois, les auteurs mettent en avant que les effets du réchauffement climatique ont tendance à s’intensifier au cours du 21è siècle et qu’ils ne devraient donc pas être négligés au regard de ces données traitant du 20è siècle.
Cette étude met en avant l’importance des conditions climatiques estivales sur la production de truffe T. melanosporum dans la saison qui suit.
Comme cela avait déjà pu être observé en étudiant des données plus récentes, la période estivale est particulièrement critique pour la production de truffe. Le déficit hydrique cumulé au cours des mois de mai/juin à août était fortement négativement corrélé avec la production de T. melanosporum dans la truffière de Pernes-les-Fontaines mais également à l’échelle du département du Vaucluse.
La température maximale au cours de l’été est également négativement corrélée à la production tandis que les précipitations moyennes pendant cette période amélioraient la production. Ces données montrent bien l’importance de la gestion de la ressource hydrique dans les truffières.
Mais les éléments climatiques ne peuvent expliquer seuls le déclin de production observé au cours du 20è siècle et les réalités socio-économiques ont joué un rôle majeur. L’influence des deux Guerres Mondiales est très clairement visible et a fortement participé à ce déclin. En parallèle de ces évènements, le déclin continu de la population rurale a joué un rôle important sur la baisse de la production. L’ensemble de ces observations réalisées dans le Vaucluse, qui représentait sur la période étudiée près d’un quart de la production française, sont de fait certainement transposables aux autres départements français producteurs de truffe noire.
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