Fréquence des deux types de reproduction dans le sol sous arbres productifs et non productifs de cinq vergers français de truffes noires du Périgord (Tuber melanosporum Vittad.)

Sommaire

 Identifiant d’objet numérique DOI : 10.1007/s00572-020-01011-4

Introduction

Les études réalisées pour mieux comprendre le cycle biologique des truffes étudient des truffières productives mais jamais des arbres non producteurs. Les caractéristiques des individus maternels et paternels en truffière ont déjà été étudiés pour T. melanosporum et T. aestivum dans les articles précédents.

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Matériels et méthodes

Dans une étude publiée dans la revue Mycorrhiza, Juan Chen et ses collaborateurs ont décidé d’étudier des arbres producteurs et non producteurs. 

Pour cela, les auteurs ont sélectionné cinq truffières en France situées à proximité de Cognac, Sorges, Cahors, Romans et Uzès. Au sein de chaque truffière, les scientifiques grâce aux trufficulteurs ont sélectionné trois chênes pubescents (Quercus pubescens) produisant des truffes chaque année et trois autres chênes pubescents non producteurs. En juin 2010, quatre prélèvements de sols par arbre ont été effectués à 10 cm de profondeur dans les quatre directions cardinales, soit au sein des brûlés pour les arbres producteurs, soit à 1,50 m du tronc pour les arbres non-producteurs. 

Les échantillons de sol ont subi une batterie d’analyses permettant de déterminer leur texture (proportion de sable, de limons et d’argile), leur pH, leur teneur en carbone organique et en azote total, leur teneur en carbonates de calcium (CaCO3), la quantité de phosphore disponible (P2O5 par la méthode l’Olsen), leur capacité d’échange cationique (CEC), ainsi que la quantité de calcium, magnésium et potassium échangeables. Par ailleurs, les auteurs ont recherché les mycélium du type sexuel 1 et du type sexuel 2 grâce à l’ADN présent dans les échantillons de sol. La méthode moléculaire utilisée leur a également permis de déterminer la quantité totale d’ADN du mycélium dee truffe présente dans les différents échantillons de sol.

Afin de savoir si l’ADN extrait dans le sol provenait de mycélium et/ou des spores, ils ont prélevé du sol sans truffes dans une parcelle agricole et ont mesuré la quantité d’ADN de truffe dans ces échantillons de sol en y ajoutant ou non des spores de truffes. Les spores ajoutées au sol n’ont pu être détectées : l’ADN de truffe mesuré dans le sol dans cette étude ne provient donc du mycélium de truffe.

Résultats

L’analyse des caractéristiques de sol dans les cinq truffières a tout d’abord permis aux auteurs de mettre en évidence que la production de T. melanosporum pouvait être réalisée sur une étonnamment grande diversité de types de sol. Les cinq sites couvraient en effet une grande diversité de textures de sol allant de sols argileux (environ 50% d’argiles) à des sols ayant jusqu’à 70% de sable. 

Certains sites différaient principalement par leur texture, tels que les sites de Romans et Uzès présentant une forte proportion de sable tandis que ceux de Sorges et Cahors étaient caractérisés par une forte teneur en argile. Il est à noter que les sols argileux avaient tous un taux de pierre important permettant de maintenir une bonne structure du sol. Le site de Cognac lui présentait une texture équilibrée et des teneurs en calcaire, en phosphore disponible et en magnésium plus importantes. 

Les auteurs n’ont cependant pas observé de différences significatives entre les sols prélevés sous les arbres producteurs et non producteurs au sein d’une même truffière, et ce pour aucun des cinq sites étudiés, qu’il s’agisse de leur texture (type de sol) ou bien des différentes caractéristiques mesurées. La composition du sol ne pouvait donc pas expliquer la productivité des arbres.

En revanche, la quantité d’ADN de truffe mesurée dans le sol était bien plus importante sous les arbres producteurs que sous les arbres non-producteurs, comme cela avait déjà pu être démontré par de précédentes études. Ces différences étaient toutefois plus marquées pour les sites de Romans, Sorges et Cahors. La quantité d’ADN n’a pu être reliée statistiquement à aucune caractéristique du sol à l’exception de la quantité de phosphore disponible. Les auteurs ont en effet identifié une corrélation positive entre quantité d’ADN de truffe et quantité de phosphore disponible. Par ailleurs, les auteurs ont observé que la proportion d’échantillons de sol dans lesquels les deux types sexuels étaient détectés était plus élevée sous les arbres producteurs (77%) que sous les arbres non-producteurs (38%). Pour 23% des arbres producteurs, un seul type sexuel n’a été détecté contre 40% sous les arbres non-producteurs. De manière plus étonnante, 38% des arbres non-producteurs présentaient les deux types sexuels. 

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Conclusion

Alors même que T. melanosporum est réputée comme étant une espèce de truffe très exigeante sur le plan écologique, les auteurs de cette étude ont montré qu’il était possible d’en produire sur des sols d’une étonnante diversité, couvrant des sols très sableux à des sols argileux. 

Dans cette étude, les caractéristiques de sol au sein d’une même truffière ne semblent pas dicter le fait que les arbres produisent ou non puisqu’aucune différence significative n’a pu être observée entre les sols des arbres producteurs et non-producteurs. Si la production de truffes n’a pas pu être reliée aux paramètres du sol, la quantité d’ADN de truffe dans le sol était, elle, positivement corrélée à la quantité de phosphore disponible dans le sol, sans que le mécanisme sous-jacent soit connu pour l’heure. Le lien entre phosphore et quantité de truffe dans le sol mériterait d’être étudié plus en détail. 

En revanche, d’importantes différences dans la répartition des types sexuels ont pu être observées entre arbres producteurs et non-producteurs. Pour les premiers, de l’ADN de truffe est systématiquement détecté, et dans la grande majorité des cas les deux types sexuels sont présents. Pour les seconds, l’ADN de truffe n’est pas détecté ou présente un unique type sexuel dans la majorité des cas. Pour rappel, la rencontre d’individus de types sexuels opposés est nécessaire pour initier la reproduction sexuée, et la plus faible proportion d’arbres présentant les deux types sexuels parmi les arbres non-producteurs pourrait permettre d’expliquer pourquoi ces derniers ne produisent pas de truffes. L’ADN détecté dans le sol ne provient pas des spores comme l’ont démontré les auteurs et la détection des deux types sexuels ne peut donc s’expliquer par la présence de spores de truffes dans le sol. En revanche, cet ADN pourrait provenir de mycélium persistant plusieurs années, de mycélium provenant de spores germées, ou encore de mycélium se développant à partir de mycorhizes présentes plusieurs années de suite. 

Étonnamment, on observe dans un certain nombre de cas la présence des deux types sexuels autour d’arbres non-producteurs. Les individus de types sexuels opposés sont peut-être bien présents mais ne se rencontrent pas autour de l’arbre.  Les prélèvements ayant été réalisés en juin, la détection des deux types sexuels pourrait aussi être liée à la présence de truffettes dont le développement aurait tout juste commencé. 

Dans tous les cas, les auteurs de cette étude mettent en avant que la détection des types sexuels autour des arbres pourrait être un outil de diagnostic intéressant pour cibler les arbres présentant un « déficit » d’un des types sexuels, afin d’effectuer des apports de spores ciblés pour contrebalancer ce déséquilibre. 

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