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Identifiant d’objet numérique DOI : 10.1038/s41598-020-61274-x
Comme nous avons déjà pu le voir dans l’article précédent, la méthode dite des « pièges » à truffes semble pouvoir augmenter la production de truffes en augmentant le nombre d’arbres producteurs et la concentrer sur de petites surfaces. Pour rappel, ces pièges à truffes sont des trous dans lesquels les trufficulteurs apportent un mélange de substrat de nature variable mélangé à des truffes broyées ; ce mélange peut donc modifier localement les conditions de sol via le substrat mais également augmenter le nombre de spores dans le sol, favorisant à priori l’initiation de la reproduction sexuée.
Toutefois, nous ne savons pas quels peuvent être les impacts de cette pratique sur le développement des truffes d’un point de vue agronomique et commercial. Certains trufficulteurs et trufficultrices remarquent en effet que les pièges ont tendance à modifier la maturité des truffes, la profondeur à laquelle elles se développent, leur forme, ou encore leur susceptibilité envers différents ravageurs comme les Leiodes.
La production à elle seule ne suffit en effet pas toujours à définir la qualité de la récolte et sa maturité, les traces de dégâts sur les fructifications ou encore la date de récolte ont une influence forte sur la commercialisation des truffes.Par ailleurs, les effets potentiels de la technique de piégeage sur tous ces paramètres peuvent varier au sein même d’une saison ou d’une saison à l’autre du fait des variations climatiques, mais également entre types de sol au sein d’une même saison : il en résulte une ribambelle d’interactions potentielles à explorer !
C’est l’ensemble de ces liens que des chercheurs espagnols ont tenté de détricoter dans une étude parue en 2020 dans la revue Scientific Reports, menée par Sergi Garcia-Barreda.
Les auteurs de l’étude ont étudié l’impact de la mise en place de pièges à truffes dans une truffière de 16 ha, à l’Est de l’Espagne (région de Gúdar-Javalambre), située à 1150 m d’altitude. Cette truffière a été plantée en 2001 avec des plants de Quercus ilex (var. ballota) et Quercus faginea mycorhizés par Tuber melanosporum. Ces arbres ont été plantés à une densité de 6 x 6 mètres comprenant deux rangs de Q. ilex pour un rang de Q. faginea. Les arbres des différentes zones de la truffière ont commencé à produire des truffes entre 6 ans et 10 ans après plantation.
À partir du début de la production, des pièges ont été installés tous les ans autour des arbres. Pour cela, une dizaine de trous de forme tronconique ont été creusés sur 25 cm de profondeur, au sein desquels ont été ajoutés un mélange de truffes broyées (0.1 g de truffe séchée par litre de substrat) et de substrat commercial (Turbatruf®, Pojar). Ce dernier est composé de tourbe blonde fine (25%), de tourbe brune fine (50%), de fibres de coco Cocopeat® (17%), d’un mélange de perlite (3%), le tout à pH égal à 7,5. Pour réaliser cette étude, trois placettes de 0,25 ha ont été choisies dans la truffière, représentant un gradient de types de sols allant d’un sol de type limon sableux (site 1) à un sol de type limon argileux (site 3) et une situation intermédiaire (site 2).
Les données de cette étude se basent sur les récoltes effectuées au cours des saisons 2016/2017 et 2017/2018, au cours desquelles les truffes ont été récoltées à l’aide d’un chien entraîné. Les récoltes ont été effectuées du 15 novembre au 15 mars, dates officielles de récolte dans cette province. Un certain nombre de paramètres ont ainsi pu être répertoriés et mesurés : localisation des truffes (dans un piège ou non), nombre de truffes trouvées par excavation, profondeur et état d’infestation par les Leiodes. D’autres caractéristiques ont été mesurées uniquement lorsque les truffes récoltées se trouvaient seules dans l’excavation.
Cela a permis aux auteurs de s’affranchir d’une potentielle influence réciproque des truffes d’un même trou sur leur développement. Pour ces truffes « solitaires », en plus des paramètres précédents, les auteurs ont mesuré le poids frais, la forme, la densité et la maturité des spores. Une analyse statistique a ensuite permis d’évaluer l’influence du piégeage, de l’effet saison, de l’évolution au cours de la saison et du type de sol sur tous ces paramètres.
Intéressons-nous dans un premier temps aux paramètres mesurés pour l’ensemble des truffes. Sur les deux années, 1865 truffes ont été récoltées sur les trois placettes. En moyenne, un peu plus de la moitié des truffes ont été récoltées dans les pièges. Ceci était d’autant plus marqué en début de saison, de mi-novembre à mi-janvier, où plus de 50% des truffes ont été récoltées dans les pièges, avec un pic début décembre (60% des truffes ont été récoltées dans les pièges à cette période).
Au cours de la saison, cette proportion a diminué jusqu’à atteindre 20% en fin de saison (mi-mars). La production de truffes semblait également plus importante dans les pièges, qui présentaient en moyenne plus de truffes par excavation que le reste du brûlé. La profondeur de développement des truffes était aussi affectée par les pièges : les truffes qui s’y trouvaient se développaient à une profondeur plus importante qu’en dehors des pièges. Dans les pièges, 25% des truffes se trouvaient entre 0-10 cm de profondeur, 70% entre 10-20 cm de profondeur et 5% entre 20-30 cm. Elles se développaient donc en moyenne à des profondeurs plus élevées que les truffes hors pièges qui se trouvaient pour 60% d’entre elles entre 0-10 cm de profondeur et pour 40% entre 10-20 cm. La proportion de truffes infestées par les Leiodes était en moyenne significativement plus faible dans les pièges qu’en dehors (17% contre 23%). La proportion de truffes infestées variait cependant beaucoup au sein de la saison et elles semblaient plus touchées en début de saison. Qu’en était-il des paramètres mesurés pour les truffes « solitaires » uniquement ?
Premièrement, les pièges ne semblaient pas avoir d’effet significatif sur le poids des truffes, ni sur la maturité des spores. Si cette dernière augmentait fortement au cours de la saison, elle n’était pas non plus affectée par l’effet année ni par le type de sol. Encore une fois, la densité n’était pas clairement impactée par le piégeage. En revanche, la forme des truffes semblait légèrement modifiée par le piégeage, avec des truffes plus rondes et moins lobuleuses dans les pièges qu’en dehors.
Pour résumer l’ensemble de ces nombreuses mesures, nous observons qu’autour des arbres ensemencés, la majorité des truffes sont récoltées dans les pièges (un peu plus de 50%), mais ce dans une moindre mesure que ce qu’avaient pu observer Claude Murat et al. (article précédent ; 95% des truffes récoltées dans les pièges).
En revanche, on apprend que cette proportion varie au cours de la saison, atteignant jusque 60% en début de saison (avant décembre) mais chutant sous la barre des 30% à partir de mars. Les pièges ont également une incidence sur la profondeur à laquelle se développent les truffes qui sont retrouvées en grande majorité à plus de 10 cm de profondeur dans les pièges tandis qu’elles se développent plutôt entre 0 et 10 cm hors des pièges. Elles sont par ailleurs plus rondes et présentant moins de lobes que les truffes se développant hors des pièges ce qui peut favoriser leur commercialisation.
D’après cette étude, les différences de forme mesurées entre les truffes récoltées dans les pièges et hors pièges sont toutefois relativement faibles au regard des différences observées entres les deux saisons. Finalement, les truffes récoltées dans les pièges sont sensiblement moins attaquées par les Leiodes en comparaison des truffes récoltées dans le reste du brûlé. Contrairement à ce qui a pu être observé dans certaines situations par des trufficulteurs et trufficultrices, la maturité des spores elle ne semble pas être affectée par la mise en place des pièges et dépend principalement du moment de la récolte au cours de la saison.
Les pièges à truffe n’ont donc pas seulement un impact sur la quantité de truffes produites comme montré précédemment par d’autres études (article précédent) mais influencent également le développement du champignon, jouant sur sa forme, la répartition dans le temps de la récolte, la profondeur de développement ou encore la sensibilité à certains ravageurs.
Notons que cette étude ne compare pas la production d’arbres avec et sans pièges et ne nous informe donc pas vraiment de l’efficacité de cette pratique sur la production totale de truffes. Cependant, la proportion de truffes récoltées est plus importante dans les pièges qu’en dehors, suggérant que l’apport de spores pourrait avoir contribué à augmenter la reproduction du champignon. Cet effet est toutefois très variable entre les trois types de sol et mérite donc d’être exploré dans un plus grand nombre de sites.
Cette étude apporte également des informations complémentaires sur les effets des pièges dont plusieurs pourraient être expliqués par les modifications locales des conditions du sol par l’apport de substrat plutôt que par l’apport de spores : la forme plus arrondie des truffes et leur moindre colonisation par les Leiodes pourraient être liées à la malléabilité du substrat composé en majorité de tourbe fine, facilitant ainsi une croissance circulaire homogène des truffes et limitant la capacité de déplacement des coléoptères dans le sol.
Si ces effets semblent positifs, les auteurs mentionnent également le fait que les pièges avancent la maturité des truffes alors même que les dégâts causés par les Leiodes sont plus importants en début de saison. Malheureusement les auteurs n’ont pas comparé la maturité des truffes récoltées dans un même piège au même moment, on peut donc se demander si elles sont toutes à bonne maturité ? Il n’a pas non plus été évaluer le parfum de ces truffes or une étude récemment publiée montre que le profil aromatique change si on compare des truffes récoltées dans les pièges par rapport à des truffes hors pièges (nous présenterons cette étude prochainement).
Ces résultats nous rappellent que la qualité ne peut être évaluée uniquement par le prisme de la production et que l’impact d’une pratique sur différents critères de la récolte doivent également être pris en compte dans son évaluation.
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