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Identifiant d’objet numérique DOI : 10.6092/issn.2531-7342/6346
L’histoire de la trufficulture, en particulier de la récolte de truffes en milieu naturel dans des forêts plus ou moins entretenues, est très ancienne et de nombreuses pratiques empiriques ont été développées par les trufficulteurs pour tenter de favoriser et pérenniser la production de truffes.
Parmi celles-ci, l’apport de spores de truffes est courant et peut prendre différentes formes. Par exemple, un mélange d’eau et de spores peut être dispersé autour des arbres ou dans des parties plus localisées du brûlé. Ces apports de spores peuvent également prendre la forme de mélanges solides dont la préparation nécessite de broyer des carpophores de truffes et de les mélanger avec un substrat tel que de la vermiculite. Ces broyats sont ensuite appliqués dans des « pièges », des trous de dimension variable creusés au sein du brûlé.
Ces spores sont censées favoriser l’initiation de la reproduction sexuée des truffes et donc à terme la production d’ascocarpes (nous reviendrons sur le lien entre spores et reproduction de la truffe dans les articles suivants). Cette pratique, qui peut s’avérer coûteuse en temps et en achat d’ascocarpes, est courante parmi les trufficulteurs bien que son efficacité n’ait été évaluée scientifiquement qu’à peu de reprises.
Pour ce faire, les scientifiques doivent en effet s’associer à des trufficulteurs mettant en place des expérimentations de long cours avec un suivi dans le temps rigoureux permettant la production de données robustes et scientifiquement analysables.
C’est grâce à des données de ce type que Claude Murat et ses collaborateurs ont pu évaluer la méthode « Bonneau » d’ensemencement développer par Lucien Bonneau.
Dans cette étude, parue en 2016 dans l’Italian Journal of Mycology, les auteurs ont étudié les résultats issus d’un essai au champ effectué dans une truffière de 3,5 ha dans le Sud-Ouest de la France, plantée en 2007 avec 954 chênes pubescents (Quercus pubescens) mycorhizés par Tuber melanosporum et âgés d’un ou deux ans.
Parmi l’ensemble de la truffière, 196 arbres ont été sélectionnés pour mettre en place des pièges à truffe en mars 2013 selon la méthode « Bonneau ». Quatre trous de 20 cm de côté et de 5 à 8 cm de profondeur ont alors été creusés à 50 cm des arbres, dans les 4 directions cardinales, afin d’y ajouter 250 mL d’un substrat préparé en mélangeant 250 g d’ascocarpes de Tuber melanosporum congelés, 350 g de miel, 50 L de vermiculite horticole et 50 L de compost.
Après ajout du mélange au fond du piège, les trous ont été recouverts par la motte de terre retirée intact pour effectuer l’ensemencement. Les données des récoltes 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016 ont été méthodiquement consignées et analysées. Notons ici que ces données nous permettent de comparer 1°) la production des arbres avec et sans pièges ainsi que 2°) la production de la partie du brûlé où l’apport de spores a été effectué (surface des quatre pièges) et la partie du brûlé sans inoculation.
Si les premières truffes ont été récoltées au cours de la saison 2012/2013, soit 5 ans après la plantation, la production est restée très faible au cours des deux premières saisons (2012/2013 :30g ; 2013/2014 : 2 kg). Les auteurs se sont donc focalisés dans cette étude sur les saisons 2014/2015 et 2015/2016. C’est en effet au cours de la saison 2014/2015 que la production a drastiquement augmenté atteignant environ 27 kg de truffes sur l’ensemble de la truffière. Parmi cette récolte, les arbres autour desquels des pièges ont été installés représentaient 11,8 kg des truffes soit en moyenne 61 g de truffe par arbre. C’est trois fois plus que les arbres non-ensemencés qui ont produit en moyenne 20 g de truffe/arbre en l’absence de pièges.
Toutefois, en ne tenant compte que des arbres producteurs, il n’y a plus de différences puisque si les arbres producteurs ont produit en moyenne 208 g de truffes dans la partie ensemencées contre 200 g dans la partie non ensemencée. En d’autres mots, lorsqu’un arbre a produit, il a produit grosso modo la même quantité de truffes dans les deux parties de la truffière. De manière plus surprenante la production n’avait pas la même localisation. En effet, les truffes récoltées autour des arbres ensemencés ont en très grande majorité été récoltées au sein des pièges ! En 2014/2015, 96% des truffes récoltées autour des arbres ensemencés ont été trouvées dans les pièges. Le nombre de truffes récoltées dans les pièges a dans certains cas dépassé la dizaine, et il n’était pas rare de récolter quatre truffes par pièges. Or, les truffes récoltées dans les pièges n’ont été produites que sur une toute petite surface représentant environ 5% de la surface totale du brûlé. En ramenant la production à la surface, les auteurs ont ainsi montré que le rendement des zones ensemencées était très largement supérieur à celui des parties non-ensemencées : 362 g/m2 pour les premières contre 0.9 g/m2 pour les secondes lors de la saison 2014/2015.
Finalement, la proportion d’arbres productifs était significativement supérieure parmi les arbres avec pièges (environ 30%) en comparaison des arbres sans traitement (environ 10%). Et si la production de l’année suivante (saison 2015/2016) s’est avérée beaucoup plus faible que celle de 2014/2015, certainement du fait des conditions météorologiques peu favorables rencontrées en cette saison, des résultats similaires ont toutefois été observés : la proportion d’arbres producteurs était plus importantes parmi les arbres ensemencés (8%) que parmi les arbres non ensemencés (3%), la production moyenne par arbre était plus élevée dans le premier cas de figure (19 g/arbre contre 7,4 g/arbre sans pièges) mais par contre en considérant uniquement les arbres producteurs la moyenne de production était plus faible dans la partie avec pièges (125 g/arbre) que dans la partie sans pièges (267 g/arbres), et le rendement ramené à la surface était à nouveau significativement plus important (35 g/m2 dans les pièges contre 4 g/m2 hors pièges).
Ainsi, dans cette truffière du Sud-Ouest de la France productrice de Tuber melanosporum, les auteurs ont observé que l’apport de spores mélangées à un substrat dans des pièges avait un effet sur la production d’ascocarpes principalement en augmentant, le nombre d’arbres producteurs parmi les arbres présentant des pièges à truffe, ce qui peut contribuer à une production plus élevée.
Finalement, la production de truffes autour des arbres avec piège est très largement regroupée au sein des pièges qui représentent la quasi-totalité de la récolte, le nombre de truffes par piège pouvant dépasser la dizaine. L’apport de truffes broyées mélangées à un substrat composé de compost, de vermiculite horticole et de miel semble donc favoriser la production de truffes ! Certains aspects méthodologiques, qui n’entachent pas la qualité de l’étude, méritent cependant d’être mentionnés et pris en compte dans l’interprétation de ces résultats.
Premièrement, cette étude se base sur les données d’une unique truffière et les effets des pièges pourraient varier selon les conditions pédoclimatiques et/ou les itinéraires culturaux de différents sites. Dans cette expérimentation, l’ensemble des arbres avec pièges se trouvaient sur les deux premiers rangs et demi d’une parcelle qui présente 12 rangs d’environ 79 arbres (entre 78 et 81 arbres). Elle ne présente donc pas les modalités d’une expérimentation dites en « bloc de répétition » dans laquelle les arbres avec et sans pièges seraient distribués dans l’ensemble de la parcelle pour s’affranchir des potentielles différences intra-parcellaires (par exemple, des différences de type de sol).
De plus, ce dispositif expérimental ne permet pas de déterminer avec précision la contribution des différents composants du substrat à l’effet observé sur la production. En effet, l’apport de vermiculite, de compost, de miel, de truffes broyées ainsi que la perturbation du sol engendrée par la mise en place du dispositif sont autant de facteurs qui ont pu modifier les conditions locales et favoriser la production de truffes.
Les auteurs de l’étude privilégient l’hypothèse selon laquelle l’apport de spores contenues dans les truffes broyées pourrait favoriser l’initiation de la reproduction d’un plus grand nombre de truffes et donc d’en améliorer à terme la production. Afin de s’assurer de l’effet précis des spores sur la production de truffes au sein des pièges, la mise en place de pièges témoins sans apport de spores est donc indispensable (nous y reviendrons plus tard – article 01-03).
Les pièges à truffe pourraient donc participer à améliorer la production de truffes, en particulier de Tuber melanosporum, ce qui explique certainement pourquoi cette pratique est aussi courante chez les trufficulteurs. Les modalités de mise en place de ces pièges sont toutefois très variées : taille des pièges, choix des composants du substrat, concentration de truffes broyées pourraient en effet avoir une influence sur leur efficacité et ces modalités méritent d’être explorées plus en détail. Comme ils semblent concentrer la majeure partie de la production de truffes dans le brûlé, les pièges sont également de formidables opportunités pour étudier plus finement la biologie de la truffe sur le terrain et notamment étudier le rôle supposé des spores dans la reproduction sexuée (article 01-03).
Finalement, cette étude met en évidence l’importance de la collaboration et du dialogue entre scientifiques et trufficulteurs pour évaluer l’efficacité de pratiques certes ancestrales mais dont les effets précis ne sont pas toujours connus. Les scientifiques ont besoin des trufficulteurs, qui sont les premiers expérimentateurs ; mais afin de répondre aux questionnements de terrain, les chercheurs ont également besoin de données qui répondent aux exigences scientifiques.
WETRUF a une équipe de scientifique ayant une grande expérience en expérimentation, n’hésitez pas à contacter WETRUF avant de mettre en place un essai au champ !
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